La séquence dure près de cinq minutes et la tension va crescendo. Invitée de l’émission C à vous ce mercredi 18 juin, la ministre de la Culture, Rachida Dati, était interrogée par le journaliste Patrick Cohen sur ses liens avec le groupe GDF Suez. S’appuyant sur une enquête de Mediapart publiée au début du mois de juin, le journaliste a questionné Rachida Dati, notamment au sujet des accusations la visant autour de ses éventuels liens avec le groupe gazier. Le 5 juin, une enquête conjointe menée par le Nouvel Observateur et Complément d’enquête a affirmé que la ministre avait perçu 299 000 euros d’honoraires de la part de l’entreprise gazière, documents à l’appui. La ministre de la Culture, par ailleurs mise en examen pour corruption passive dans l’affaire Carlos Ghosn, a toujours récusé tout lien contractuel avec le groupe gazier français, rebaptisé Engie en 2015, et nié mordicus tout conflit d’intérêts. «Ce sont des honoraires qui ont été trouvés dans une comptabilité […]. Tout ça a été scanné. Je n’ai jamais vu un avocat au noir, des factures au noir, une comptabilité au noir. Tout ça est connu, déclaré et a été tout à fait validé», s’est justifié dans un premier temps la ministre de la Culture sur le plateau de France 5, multipliant les arguments pour faire preuve de sa bonne foi. «Je n’ai jamais eu ni de redressement fiscal ni de problème fiscal ni financier. Tout ça a été déclaré», martèle-t-elle face à Patrick Cohen. Des honoraires «validés par le Parlement européen ?» relance le journaliste, la mine circonspecte. C’est la goutte de trop pour Rachida Dati. Pendant qu’un dîner gourmet se prépare en fond de cadre – une tradition de fin d’émission chez C à vous –, l’ambiance autour de la table tourne au vinaigre. «Est-ce que vous êtes magistrat ? Ce n’est pas à vous que je dois répondre si je dois répondre. Mon dossier est clôturé», répond la ministre. «Je n’ai pas été accusé de harcèlement» Alors que le doute habite Cohen, l’ancienne garde des Sceaux commence son réquisitoire : «Monsieur Cohen, une enquête Mediapart vous a mis en cause pour harcèlement, management toxique. Une enquête Mediapart qui est ressortie très récemment», enchaîne la ministre coudes sur la table, regard planté dans celui de son interlocuteur. «Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que vous harcelez vos collaborateurs ? Est-ce que vous êtes désagréables avec les gens avec qui vous travaillez ? C’est affirmé dans une enquête Mediapart, répète Rachida Dati. On vous accuse de harcèlement. Est-ce que c’est vrai Monsieur Cohen ? Est-ce que vous pouvez me répondre ? » La ministre de la Culture fait référence à une enquête publiée le 3 février par le site d’investigation visant l’éditorialiste politique et son retour sur France Inter. Les auteurs ont recueilli près d’une vingtaine de témoignages de salariés de la radio publique. «Toutes et tous confient avoir été victimes, ou témoins, de la brutalité managériale de Patrick Cohen. Certains témoins estiment que les faits décrits pourraient relever du harcèlement moral», relate Mediapart dans son article. Face aux attaques répétées de Rachida Dati, Patrick Cohen se défend : «Je n’ai pas été accusé de harcèlement.» «C’est un délit, Monsieur Cohen», lui répond tout de go Rachida Dati. À côté de la ministre, l’animatrice Anne-Elisabeth Lemoine accuse le coup, avant de tenter un doucereux «Madame la ministre…» Pas suffisant pour stopper la verve ministérielle. «A C à vous, l’ambiance est épouvantable» Lancée, Rachida Dati passe la seconde et se retourne vers la boss du talk-show. «Madame Lemoine, une enquête Mediapart a été ouverte. De la même manière qu’il a été dit qu’à C à vous, l’ambiance est épouvantable, que vous pleurez toute la journée, que tout le monde est mis en cause. Est-ce que c’est vrai ?» interpelle-t-elle, faisant référence à un article de Marianne publié en avril qui évoquait «humiliations et jalousies» au sein de l’équipe. «Non, c’est faux», répond l’animatrice, passablement désemparée. «Contrairement à vous j’ai donné des réponses», se targue Rachida Dati avant de poser à nouveau son regard sur Patrick Cohen : «J’aurais beaucoup de peine pour vos collaborateurs qui ont été harcelés. J’en ai fait une politique pénale, de la lutte contre le harcèlement.» Et de revêtir son ancien costume de ministre de la Justice pour l’avertir (le menacer ?) : «Vous pourriez aussi tomber sous le coup de ce délit. Il suffirait que je fasse un article 40 pour dénoncer (sic) suite à ce papier de Mediapart. Je peux le faire.» «Je vous y invite», lance Cohen dans une bravade. «Personne n’a été saisi ni par la justice ni en interne par Radio France […]. Ce n’est pas très reluisant ce que vous faites, c’est déshonorant», s’indigne le matinalier décontenancé, la voix blanche. Quelques heures plus tôt, à l’heure du petit-déjeuner, sur les ondes de France Inter, Patrick Cohen avait consacré son édito du jour à la ministre de la Culture, taclant son projet de holding pour l’audiovisuel public, fustigeant une «idée funeste». À l’heure du dîner, la ministre et le matinalier se sont finalement retrouvés et le torchon a brûlé. Plus tard dans la soirée, les équipes de C à vous ont reçu le soutien de France Télévisions qui, via son compte X France TV Pro, a rejeté «les mises en causes personnelles des journalistes». Peu après, c’est le compte de Radio France qui s’est fendu d’un rappel : «Mener des interviews contradictoires fait pleinement partie du métier de journaliste en démocratie et ne saurait justifier en aucun cas des attaques personnelles.» Mise à jour à 9h59 avec les réactions de Radio France et France Télévisions.
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